Directeur Général de Camp de Bases, Christophe Cousin est également le Chief Data Officer (CDO) de Webedia. Webedia se présente comme le 1er groupe Internet de France et comme l’un des principaux à l’échelle mondiale, il rassemble plus de 180 millions de visiteurs uniques chaque mois dans le monde, dont 28 millions en France, avec plus de 50 marques médias (Allociné, PurePeople, Puretrend, Jeuxvideo.com, 750g.com, EasyVoyage…). Alors que l’automatisation bat son plein et que la « data » est le centre de toutes les attentions, Christophe Cousin – pourtant CDO – prédit* un important « retour de balancier » vers l’humain et les sciences humaines. Entretien.
- Que voulez-vous dire en prédisant le retour de l’humain dans les pratiques marketing ?
Christophe Cousin : Ce que je veux dire est résumé par quatre mots, qui commencent tous par un « c » : le courage, la curiosité, la créativité et la clairvoyance. Pourquoi le courage ? Parce qu’il en faut aujourd’hui pour aller à contre-courant de la pensée dominante, qui tend à vénérer les algorithmes. Cette première affirmation m’amène à développer deux autres notions : la « curiosité » et la « créativité ». En l’occurrence, les algorithmes ne sont ni curieux ni créatifs. Certes, ils ont de la mémoire, mais il ne faut pas confondre la capacité à emmagasiner des données et la curiosité. De même, ils savent bien traiter les données, mais se bornent à exécuter les instructions que les humains leur donnent et ne prennent pas d’initiative : là encore, il ne faut pas confondre la capacité à bien faire ce que l’on vous demande de faire et la créativité. Cela me conduit à la quatrième notion, qui est la « clairvoyance » : à force d’être croisées, recroisées, triturées, les données finissent par ne plus être pertinentes. Il faut que les professionnels du marketing se méfient des données et évitent le syndrome des « femmes enceintes » (ndlr : Christophe Cousin fait là référence au nombre de femmes enceintes recensées en France par un professionnel de la data, qui était de 18 millions, chiffre aberrant cité par Christophe Poupinel, patron d’Ooreka, dans une interview vidéo accordée à La Réclame.
- Ne doit-on pas s’étonner qu’un Chief Data Officer soit aussi méfiant des données ?
Christophe Cousin : Mon propos ne pas être réduit à ces quatre notions (ndlr : pour rappel, courage, curiosité, créativité et clairvoyance). Il doit être complété par deux idées fortes. La première est la « complémentarité ». A priori, ce n’est que du bon sens, mais il semble qu’il ne guide pas les décisions dans de nombreux cas aujourd’hui : les algorithmes et les humains sont complémentaires. Vouloir choisir pour le « tout humain » ou le « tout algorithme » serait une erreur. La seconde est la conscience. La mise en place du RGPD est un premier pas très intéressant pour que la data retrouve la confiance de tous et je considère que cette évolution est positive.
- Dans le même temps, la montée en puissance des adblockers : leur action freine-t-elle votre développement ?
Christophe Cousin : Je ferai deux réponses à ce sujet. D’une part, il y a la volonté de certains internautes de ne plus recevoir d’informations publicitaires. Cette volonté est respectable et nous en tenons compte. D’autre part, il y a les stratégies des adblockers. Elles ne sont pas toutes transparentes et, le moment venu, il faudra s’intéresser de plus près à leurs modèles économiques.
Propos recueillis par Pascal Boiron, Digital CMO
* Christophe Cousin est intervenu lors de l’édition 2018 du Forum du CMIT sur le thème « Quelle place pour l’humain face à un marketing piloté par les data et les algorithmes ? »