Jean-David Chamboredon préside depuis près de 8 ans le principal fonds français d’investissement de business angels dans le secteur internet. Il est également co-Président de France Digitale. Son avis sur les évolutions des investissements des business angels est donc très écouté. De fait, il supervise la réalisation tous les 6 mois de l’indicateur FIBAMY (French Internet Business Angels Money Yardstick) depuis 2012 et le lancement du mouvement des Pigeons*, dont il fut le porte-parole. En l’occurrence, la publication du dernier indicateur, concernant le premier semestre 2017, fait apparaître une nette baisse du nombre de levées de fonds (- 20% par rapport au 1er semestre 2016). L’analyse de Jean-David Chamboredon.
- Comment expliquer que la baisse du nombre de levées de fonds soit aussi importante en France au premier semestre ?
Jean-David Chamboredon : La seule explication de ce recul est l’attentisme habituel de tout investisseur durant les périodes électorales, et cela concerne logiquement les business angels aussi. Cette baisse est le fait le plus marqué de la dernière publication du FIBAMY, mais il faut également noter que le montant total levé est lui aussi en baisse : – 11%. Mécaniquement, cela implique que le montant du ticket moyen est en nette hausse. Il est passé de 523 000 euros à 582 000 euros en un an. Nous pensons que cette forte hausse est positive, car la faible taille des tours de table a toujours constitué un point de faiblesse du maillon “business angels” dans la chaîne de financement. Cela étant dit, ces baisses doivent être tempérées par au moins deux chiffres. Le premier est que 2016 a été une année record. Si l’on devait comparer le premier semestre 2017 à la même période de 2015, nous parlerions d’une hausse, à la fois en volume et en valeur. Le second, c’est que la part de marché des réseaux de business angels a bondi : elle est passée de 10% au premier semestre 2016 à 26% pour la même période de 2017. Cela signifie que la baisse est principalement due au fait que les “grands” business angels (comme les “serial business angels”, les “super angels”, les accélérateurs ou certains fonds) ont de leur côté levé le pied.
- La hausse du ticket d’entrée moyen aux levées de fonds est-elle une décision collective des business angels ?
Jean-David Chamboredon : Il n’y a pas de réelle coordination des décisions des business angels. Il s’agit plutôt de l’addition de prises de position individuelles. Bien sûr, il est possible d’influer sur elles, notamment via les incitations fiscales et les mesures concernant l’ISF. Dans les faits, la principale explication de cette hausse est que les startups demandent plus, par exemple 500 000 euros alors qu’elles n’auraient demandé que 400 000 euros voici un an ou deux. Cela ne signifie pas nécessairement que les projets sont de meilleure qualité, mais plutôt que les levées de fonds sont mieux préparées.
- La transformation de l’ISF en IFI (impôt sur la fortune immobilière) va-t-elle inciter les business angels à investir davantage ?
Jean-David Chamboredon : C’est probable, mais à partir de 2018. Cette transformation pourrait libérer des moyens de financement qui n’étaient pas mobilisés sur ce type d’investissements. Il faut toutefois anticiper la probable disparition de l’ISF-PME, sachant que les réseaux de business angels (ndlr : les “petits” business angels) sont très sensibles à cette incitation fiscale. Si l’ISF-PME devait réellement disparaître, il faudrait compenser cette suppression par un renforcement du dispositif IR-PME, qui reste aujourd’hui très peu incitatif. Dans tous les cas, je le répète : un écosystème de startups, c’est comme un tas de sable ; pour que la pointe soit haute, il faut que sa base soit large !
Propos recueillis par Pascal Boiron, Digital CMO
* Dans son manifeste d’octobre 2012, le mouvement des Pigeons expliquait notamment : « Nous avons conscience du caractère novateur et dérangeant de notre mouvement et, quitte à surprendre encore plus, sachez que nous ne donnons à nos sympathisants AUCUNE consigne particulière, nous n’avons et n’aurons AUCUNE représentation officielle, AUCUNE appartenance politique, AUCUN porte-parole ou plutôt des milliers. Nous ne recherchons AUCUNE notoriété individuelle. Nous sommes la conséquence de la politique antiéconomique du gouvernement qui a décidé de prendre les milliers d’entrepreneurs de ce pays pour des Pigeons et d’anéantir l’esprit d’entreprendre faisant dès lors courir un risque majeur à la France. »