Aujourd’hui associé de SLPV Analytics et enseignant chercheur de l’Université Paris II, après une carrière d’entrepreneur du web, Laurent Florès sera au Printemps des études pour y présenter son ouvrage « Mesurer l’Efficacité du Marketing Digital ». Pour Digital CMO, Laurent Florès donne son point de vue sur les tendances actuelles du marketing digital.
Vincent Biard – Quelles sont pour vous les tendances du marketing digital ?
Laurent Florès – Trois mots pourraient les résumer : Attribution, Convergence et Contenu. Tout d’abord la question de l’attribution. A quoi doit-on attribuer une vente ? Au dernier contact média avant la conversion ou au contraire en étant capable de comprendre la dynamique des interactions entres médias on et offdans la construction de cette vente ? C’est à ce stade que les outils et modèles analytiques modernes doivent être capables d’évaluer le rôle et l’importance de chacun des points menant à la conversion. Ensuite c’est la question de la convergence entre la TV et le digital, et plus généralement celle de la convergence des médias. Le canal de diffusion d’un programme télévisuel n’est plus une simple télévision mais une tablette, un Smartphone ou un autre support. Du coup, est-ce de la télévision ou du digital ? Les consommateurs ne font plus la différence car ils consomment du contenu plus que du « média ». Le tout peut expliquer, par exemple, que depuis quelques années, l’ensemble des opérateurs de télévision multiplient les initiatives pour investir le monde digital. Le troisième sujet est Contenu. Les marques font de la pub là où les gens passent du temps. Jusqu’à présent c’était sur du contenu télévisuel ou du contenu media. Depuis 5 ou 6 ans nous assistons à une explosion de la consommation de contenu au travers d’applications ou de plateformes comme Netflix, Youtube, Instagram, etc. Est-ce du digital ? De la télévision ? Ni l’un ni l’autre a priori mais comme de plus en plus de gens consomment du « contenu », l’écosystème traditionnel des médias est chamboulé, et les marques perdent leurs repères pour continuer à émerger et exister.
Vincent Biard – Le marketing digital est-il désormais intégré par les marques ?
Laurent Florès- L’un des buzzwords de ces deux dernières années est la « transformation digitale » et force est de constater que les marques investissent de plus en plus dans le digital puisque depuis trois ans le Web, au sens large, est le premier média investi par les marques en matière de publicité. Les investissements se sont déplacés certes mais est-ce à dire pour autant que toutes les marques et organisations ont réussi leur virage digital, loin s’en faut… Le digital n’est pas un « média » mais relève d’une stratégie orientée client, difficile de tout chambouler pour des entreprises qui sont historiquement organisées autour de leurs « produits » plutôt qu’autour de leurs clients. Dans cette perspective, le marketing d’aujourd’hui et de demain est digital ou ne l’est pas… les marques qui survivront l’intègrent ou meurent à terme.
Vincent Biard – Le numérique fournit une profusion de données mais du coup n’en fournit-il pas trop ?
Laurent Florès – Oui car les gens se perdent en courant après les données alors qu’il faut trouver la bonne information. Plus on a de données, moins sait-on peut-être ce que l’on mesure. On ne réfléchit peut-être pas assez en amont au dispositif de mesure qu’il va falloir mettre en place pour démontrer ce que l’on cherche à démontrer. Ce que les directeurs de marketing ont du mal à accepter, c’est que la profusion de données ne rend pas les choses plus précises, car comme je le dis depuis 20 ans sur le Web : « on compte beaucoup (clicks, vues etc.), mais compter n’est pas mesurer »
Vincent Biard – Et l’audience ? Entre les clics de robots et les internautes non captifs, les marques peuvent-elle avoir confiance dans l’audience du web ?
Laurent Florès – Il existe des outils de mesure d’audience largement éprouvés avec notamment Médiamétrie en France qui fait de la mesure tous médias confondus. Plus il y a d’alternatives à mesurer et plus c’est difficile d’avoir des panels « représentatifs ». Les marques peuvent alors remettre en cause le manque de précision de ces mesures. Pour autant faut il disposer de meilleurs outils de mesure ou tout simplement oser, tester et apprendre des initiatives mises en œuvre… dans un monde chamboulé, la chance sourit souvent aux audacieux…