Le rapport à l’information (expertise, fake news, crédibilité) était au sommaire du second épisode de l’Adetem Factory 2020 diffusé le 10 novembre et animé par Joël Ronez de Binge Audio avec Catherine Sueur, présidente de Télérama et du Conseil de surveillance de l’Obs, Damien Viel, CEO de Twitter France et Julien Villeret, directeur de la communication du Groupe EDF.
Plus d’infos consommées mais dans une « bulle d’information »
« Jamais les Français n’ont consommé autant de médias que pendant cette crise » a affirmé Catherine Sueur en introduction du débat. Selon elle, les lecteurs acceptent de plus en plus de payer pour de l’info, ce que prouvent les chiffres d’abonnements payants en hausse du Monde et de Télérama. Sur les réseaux sociaux, l’audience est également en hausse cette année avec une évolution de 34% au second trimestre et de 30% au troisième trimestre pour Twitter selon Damien Viel.
Davantage de consommation d’information certes mais un phénomène de « bulle d’information » évoqué et remarqué par tous les participants au débat. Théorisé par Eli Pariser dans son ouvrage « The Filter Bubble: What The Internet Is Hiding From You » publié en 2011, ce phénomène y a été baptisé « bulle de filtres ». C’est l’idée selon laquelle les algorithmes des réseaux sociaux ne proposent que des contenus qui intéressent déjà les internautes et surtout avec lesquels ils sont d’accords. Un phénomène pourquoi pas opportun en termes de ciblage publicitaire mais qui interroge quand même en termes d’ouverture d’esprit et de controverses instructives.
L’info défiée par la « vérité alternative »
Autre phénomène remarqué par les participants au débat : celui de vérité alternative désormais installé durablement. L’affaire du documentaire Hold-up l’illustre très bien. Financé par des plateformes participatives, ce documentaire de 2 heures et 43 minutes réalisé par le journaliste et réalisateur Pierre Barnérias critique la gestion du Covid-19. Considéré comme complotiste par de nombreux médias, il connait un succès d’audience sur internet. « Fait toi ton opinion toi-même » suggèrent des amis Facebook : autre aspect de la bulle d’information.
La diffusion d’infos alternatives ou complotistes (selon l’idéologie/culture/opinion de chacun) pose même la question de la labellisation de l’information. « Inutile, la presse s’autorégule très bien » a affirmé l’ancien journaliste Julien Villeret. Twitter n’accepte plus les budgets de publicité de campagnes électorales, signale si un media appartient à un gouvernement et oriente certaines infos vers des sites de référence a indiqué néanmoins Damien Viel.
Autre élément de défiance évoqué lors du débat : le manque de représentativité sociale et ethnique au sein des institutions, médias mais aussi grandes entreprises. « Nous avons fait des progrès très importants dans la diversité sauf dans la diversité sociale » a admis Julien Villeret. Mais cette fracture sociale renforce le « eux et nous » ressenti individuellement ou collectivement par certains. Pour Catherine Sueur, les médias ont un enjeu de diversité afin d’être représentatifs de la société et de lui redonner confiance dans les médias.
Transparence vs clarté pour les entreprises
Dans ce contexte de défiance, de circulation massive d’informations sur les réseaux sociaux et de besoin d’éthique des consommateurs, la gestion de la communication des entreprises demande de nouvelles stratégies. Plutôt que d’évoquer le traditionnel débat information vs communication, Julien Villeret a différencié la clarté et la transparence. Selon lui, une entreprise ne doit doit pas livrer des données bruts au nom de la transparence mais donner à comprendre dans une volonté de clarté.
Damien Viel a parlé de « notion de transparence augmentée » car les entreprises n’ont plus le choix : elles doivent communiquer vers leurs consommateurs mais aussi vers leur écosystème car il n’y a plus d’informations internes à l’entreprise. « Plus un directeur de communication ne peut imaginer qu’une info interne ne se communique pas en externe » a confirmé Julien Villeret.
Pour Xavier Simon de l’agence Cision, invité à ce débat comme expert, les entreprises vivent de grands bouleversements en termes de communication et d’information avec des enjeux de confiance engendrés par le volume d’information en hausse et par la diffusion d’informations contradictoires. pour lui, le rôle des marketeurs et des responsables de communication devient alors plus important car ils maitrisent les codes et les outils de la communication et ils doivent dorénavant avoir une fonction transverse dans les entreprises.
En savoir plus sur l’Adetem Factory : https://adetem.org/factory-2020/