Delphine Dauge interviendra en clôture de l’Adetem Factory du 30 novembre prochain sur le thème « Point tendances sur le nouveau rôle des marques ». Et justement nous l’avons interrogé sur la raison d’être des marques dans cette séquence post covid.
Digital CMO – Récemment élue présidente de l’Association Design Conseil (ADC), vous représentez donc les professionnels du design. Constatez-vous chez eux une nouvelle conscience vis-à-vis des démarches vertueuses demandées par les consommateurs et donc dorénavant appliquées par les entreprises dans le développement de leurs produits et services ?
Delphine Dauge – Le design est créateur de valeur pour la marque. Qu’il soit appliqué dans l’environnement, le digital ou le produit, le design a apporté des réponses dans la dynamique post-covid. Dans les grandes tendances, la singularité des marques est essentielle. Elles doivent être distinctives et éviter une trop grande uniformisation notamment dans leurs démarches vertueuses. La deuxième tendance est la crédibilité. 90% des consommateurs disent vouloir un engagement individuel plus responsable mais il n’y a que 16% des gens qui modifient réellement leur comportement. Pour les marques c’est pareil : il faut dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit. Peu de marques accordent le fond et la forme. C’est un élément sur lequel le design peut apporter des choses. Le troisième élément est l’utilité. En quoi les marques s’engagent et quels sont les effets de leurs actions ? C’est l’élément le plus important. C’est beaucoup plus difficile pour des grandes marques qui ont besoin de transformer leur modèle et bien sûr plus simple pour les marques eco natives. Le quatrième point est la représentativité. Comment concrètement donner des signes d’engagement avec une action plus vertueuse et responsable. L’éco conception et l’éco branding sont alors idéales pour réduire l’empreinte carbone des marques. En conclusion, il faut faire les choses peut-être sans le faire savoir. Mais construire ou faire savoir, le point de vue de Jeff Bezos est intéressant. Alors qu’avant 30% des efforts étaient dédiés à la construction d’une marque, d’un produit ou d’un service, et 70% étaient consacrés à sa communication. Aujourd’hui, les proportions se sont inversées. 70% doivent aller à la construction des faits et du rôle social de la marque et 30% à le faire savoir. Le brand content s’est substitué à la communication : on ouvre l’accès aux contenus de la marque pour que les consommateurs aillent chercher de l’information utile, se l’approprient.
Digital CMO – Que vous demandent maintenant les marques pour affirmer leur raison d’être tout en s’adaptant aux exigences de la RSE ?
Delphine Dauge – Donner dans sa raison d’être la direction que veut prendre une entreprise demande d’intégrer des exigences fortes de RSE. C’est important de faire apparaitre le people et le sustainable autrement dit la cause environnementale sans oublier la dimension humaine avec la conception qu’a l’entreprise de son métier. A la plupart des entreprises qui nous demandent de redéfinir leur mission et leur raison d’être, la première chose que l’on fait est de les inscrire dans des actions et d’en démontrer la valeur. La raison d’être / le purpose est désormais ce que la marque apporte à la société et aux équilibres du monde pour justifier sa présence. 72% des Français attendent des marques qu’elles soient utiles. Elles doivent démontrer leur capacité à répondre à des besoins collectifs. A incarner des changements durables, positifs, pour les clients mais aussi pour les écosystèmes, et maintenus dans le temps. On attend des marques non plus seulement qu’elles soient irréprochables du point de vue éthique , c’est la dette, mais contributrices au bien commun.
Digital CMO – Ne risque-t-on pas de s’éloigner de l’identité des marques en s’engageant dans des causes sociétales dépassant leurs domaines d’applications ?
La neutralité des marques n’est plus une option : 60% des français pensent que les entreprises jouent un rôle plus important que les gouvernements dans la création d’un avenir meilleur ; et 80%des français attendent des entreprises qu’elles agissent de manière proactive, sans attendre l’action des gouvernements. Les marques en croissance sont celles qui intègrent cette dimension dans leurs plans de relance (51% vs 34% all brands) selon Kantar’s Global Business Compass 2020. Mais cette envie de bien faire doit se conjuguer avec trois éléments : l’essence de la marque, son expression avec ses codes visuels et verbaux, son expérience avec ce qu’elle met en place concrètement comme produits et services. Si vous n’alignez pas ces trois éléments, c’est un manque de cohérence et de crédibilité dans l’engagement. L’essentiel est d’être cohérent et de ne pas s’égarer dans des territoires n’ayant rien à voir avec la ligne de conduite de la marque. Sur le point de l’alignement des preuves d’engagement, les marques dont l’engagement a été le plus apprécié pendant la crise sont celles qui l’ont fait de manière non-opportuniste, l’engagement s’inscrivant dans la continuité du rôle social de la marque. Ainsi Doctolib qui s’est toujours positionné comme un partenaire des professionnels de santé, a installé gratuitement la téléconsultation chez les praticiens et a proposé un service de relance d’activité en toute sécurité. Accor, leader mondial de l’hospitalité augmentée, a mis à disposition des lits inoccupés pour accueillir le personnel soignant, les sans-abris et les malades.
Sites web :
ADC Association Design Conseil (adc-asso.com)
Adetem Factory 2021 – Back to Business. Oui, mais…