Entretien avec Thierry Mignot, partner chez Equancy : le CRM digital est la problématique actuelle des entreprises sur le digital. Dans cet entretien, Thierry fait le point sur les tendances actuelles et les évolutions du digital. Un marché qui est dominé par des start-up mais sur lequel la présence des grands éditeurs de logiciels informatiques se fait de plus en plus sentir.
DigitalCMO.fr – Vous intervenez à la fois en conseil et en réalisation sur le digital pour de grands clients comme La Redoute, Michelin, Disney ou encore Nissan. Sur la base de vos échanges avec ces entreprises, et d’autres, quelles sont les grandes tendances actuelles que vous observez sur le marketing digital ?
Hervé Mignot : Tout d’abord je pense que le terme marketing digital est trop réducteur et qu’il définit mal les enjeux numériques à l’oeuvre dans les entreprises. La mutation est bien plus large que cela. A coté des projets traditionnels visant à l’optimisation média et marketing en intégrant le canal digital, les entreprises ont des approches de plus en plus larges et diversifiées ayant toutes une forte dimension numérique : renouvellement de l’expérience client, réseaux sociaux, CRM, cross canal, analyse de données complexes, Big Data, mesures en temps réel de l’efficacité commerciale et marketing…
Au cours de mon parcours professionnel, notamment chez des éditeurs de logiciels marketing et décisionnels comme SPSS, j’ai été le témoin de l’interpénétration croissante de l’informatique et du marketing. Les entreprises sont en train de découvrir cette interpénétration ce qui soulève de nombreuses questions chez nos clients. Quelles sont les technologies qu’il faut choisir, comment travailler avec les médias et les agences à l’intégration des données et au partage des informations ? Quelle doit être l’organisation interne au niveau du traitement des données et des résultats ? Comment mieux travailler avec une DSI qui peut être tentée par des choix plus technologiques que métiers ? Autant de questions qui montrent bien que le débat sur le digital est très étendu. Néanmoins il y a au niveau des projets quelques orientations déjà claires et je dirai que les directeurs marketing et digitaux se concentrent aujourd’hui principalement sur le CRM Digital. Ce qui peut être défini comme la capacité à disposer, en premier lieu sur des opérations médias, d’une capacité d’interaction et d’action en temps réel et cross canal. Ce qui passe à mon sens par une approche centralisée et fluide des données dans ce que l’on appelle les DMP (Digital Marketing Platform).
DigitalCMO.fr – Comment définissez-vous justement ces DMP (Digital Marketing Platform) au regard de la stratégie des acteurs et des évolutions des offres des éditeurs ou des agences ?
Hervé Mignot : Dans notre démarche de conseil, on a classé les DMP en trois grandes familles. La première famille regroupe les solutions proposées par les médias et des agences, qui sont souvent propriétaires ou construites à partir de briques logicielles proposées par exemple par des éditeurs comme Adobe, Blukai ou encore Turn. Elles sont encore en train d’évoluer pour permettre une personnalisation de plus en plus précise des campagnes médias dans un contexte de meilleure maîtrise de la dépense et de création de nouveaux KPI. Coupler une campagne média à une opération de retargeting d’email en intégrant également son propre environnement digital est une problématique au cœur des nouvelles campagnes et de leur évaluation. Cela permet de faire du multi-canal, d’agir en temps réel avec un niveau d’affinité de contenu et de service très proche des cycles de décision réel des décideurs et surtout de pouvoir mieux utiliser la totalité de l’empreinte digitale de l’annonceur.
La seconde famille de solution est représentée par des acteurs qui font du Big Data au sein d’une plateforme dite de DMP. La visualisation et la qualité des algorithmes permettent à des acteurs comme Weborama, Exacus, Macasy de proposer des services assez fins et qui permettent d’agir en corrélation. Enfin, il existe une dernière famille de solutions composée d’éditeurs américains et d’acteurs du secteur informatique notamment des sociétés de services. Ces éditeurs ont une approche par l’infrastructure informatique. Se sont avant tout des intégrateurs qui élargissent leur présence à partir de différentes couches de CRM ou de Business Intelligence en rachetant des solutions plus spécialisées sur le marketing digital. Les solutions qui répondent le mieux aux besoins actuels sont au final celles qui permettent de créer des actions et des interactions en affinité à partir de données homogènes et segmentées et également d’activer des campagnes affinitaires ou de contenu.
DigitalCMO.fr – Dans ce contexte comment Equancy s’y prend-il pour créer de la valeur ajoutée pour ses clients ?
Hervé Mignot : En se positionnant comme tiers de confiance auprès des agences et des annonceurs dans les différents projets digitaux. La maturité actuelle des dépenses médias digitales nous y aident. Affiner les métriques, choisir entre différentes stratégies digitales, optimiser les KPI, mieux intégrer les canaux digitaux internes et externes nécessitent une vision data de plus en plus proche des directions marketing. Cela permet notamment aux entreprises de se dégager des moyens et des ressources pour renforcer l’intimité et l’affinité avec les clients sur les différentes actions. Nous travaillons donc beaucoup à la construction de la mesure de la performance et des Dashboard dans le cadre de ces approches. Nos équipes – qui sont de plus en plus mixtes entre les métiers de l’analyse (web analyst) et du prédictif (datamining) – nous aident à proposer des solutions globales. C’est d’ailleurs un modèle que je recommande de plus en plus à mes clients. Car cette mesure temps-réel de la performance pourra de moins en moins être externalisée pour des raisons de sécurité mais aussi parce que la donnée en interaction sera, dans un certain nombre de secteurs d’activité, l’un des avantages concurrentiels.
DigitalCMO.fr – Les annonceurs risquent quand même à avoir du mal à contrôler les outils propriétaires qui sont mis en place sur le digital…
Hervé Mignot : Effectivement ces acteurs du digital cherchent à intégrer de manière propriétaire leurs solutions sur tous les champs du numérique. Sans parler de Google ou de Facebook, le rachat de Tedemis par Criteo – un acteur de retargeting – est un bon exemple des évolutions en cours. Les rachats de spécialistes du marketing digital par Oracle, IBM et SAP également. Mais les annonceurs sont en train de faire évoluer leur stratégie digitale en multipliant notamment les points de contact, en créant des contenus et des services de plus en plus pertinents et personnalisés et en créant un attachement numérique à leur marque. Cela leur donne l’occasion de maîtriser de plus en plus leur approche média et l’activation des différents canaux tout en incluant leurs propres KPI et donc en maitrisant leurs outils de mesure de la performance.