La digitalisation des forces de vente (Sales Enablement) est un chantier qui n’a pas encore démarré dans de nombreuses entreprises, pourtant ces projets sont au coeur des enjeux économiques à venir. Pour Erick Billiemaz, directeur commercial de Playmobil et responsable du bureau commercial de l’ILEC, l’avenir passe par une plus grande digitalisation au service d’une agilité commerciale à retrouver dans un monde hybride.
DigitalCMO.fr – La digitalisation des forces de vente semble prendre du retard en France pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Erick Billiemaz – La plupart des entreprises disposent d’un CRM pré-covid , et ont intégré en plus dans les moyens mis à disposition des commerciaux des outils de communication en distanciel comme Google Meet, Teams ou encore Zoom. Dans les grandes entreprises de distribution ou de retail la digitalisation et l’omnicanalité ont fortement progressé avec la formation des équipes dans le digital. En revanche, si on a mis à disposition des forces de vente de nouveaux outils elles n’ont pas été formées à la vente ou à la négociation à distance. Il a manqué une étape dans cette digitalisation. Cela me permet de faire la transition avec le Sales Enablement. Cette approche technique de la vente digitale est encore peu utilisée en France contrairement aux Etats-Unis. Le marché de ces solutions est en train de s’élargir aux cotés d’acteurs déjà présents comme Sweet show, Siemiec, Bigtincan, Salespath , Sales Apps ou encore Touch&sell . Ces « Sales enablement tools » proposent une organisation très méthodique aux commerciaux favorisant la cohérence marketing et commerciale des contenus pour chaque typologie de client. Par exemple, les présentations et les arguments sont spécifiques aux cibles des clients . Une approche qui enrichit le CRM avec une remontée spécifique des informations.
DigitalCMO.fr – Alors que le contexte économique se dégrade comment le digital peut aider les commerciaux dans leur approche des clients ? Pensez-vous que cela doit passer par une plus forte convergence des actions marketing et commerciale ?
Erick Billiemaz – Comme je l’expliquais précédemment le Sales Enablement peut vraiment aider les équipes commerciales de plusieurs façons. Ce sont des outils « organisant » et donc de préparation des visites. Pour rappel 95% de la réussite d’une vente est liée à sa préparation. D’autre part, l’intégration avec le marketing est plus forte avec une utilisation plus importante des arguments adaptés aux clients ciblés. Avec ces solutions le marketing dispose d’ un retour immédiat de l’efficacité ou non de ces argumentaires. Une directrice marketing d’une tres grosse société me racontait récemment que depuis l’implantation d’un outil de sales Enablement dans son entreprise 75% à 80% des documents mis à disposition des forces de vente sont utilisés et elle dispose d’un retour d’efficacité immédiat. Auparavant seulement 18% des documents mis à disposition étaient utilisés m’expliquait-elle . C’était selon elle la première fois que l’on parvenait à une cohérence de vue entre le commercial et le marketing. Le Sales Enablement permet d’établir des éléments de mesures sur l’efficacité des leviers utilisés en temps réel. Au-delà de cet aspect c’est aussi un outil de formation. Les commerciaux sont « encadrés » techniquement. Avec la pression à venir sur les coûts, le nombre de formateurs commerciaux va probablement diminuer et le Sales Enablement devrait être un appui fort pour intégrer les nouveaux commerciaux.
DigitalCMO.fr – Quelle doit être la place de la relation humaine dans les modèles commerciaux de demain des entreprises ? Quelles sont les réflexions en cours sur les risques et les opportunités et comment les entreprises peuvent mieux réfléchir à ces défis ?
Erick Billiemaz – La relation humaine est importante. Les affaires seront toujours concrétisées par des échanges entre les personnes. La nouveauté c’est le mode hybride mêlant distanciel et présentiel, et surtout l’accès à des supports technologiques efficaces qui permettent au commercial de se concentrer sur les attentes et les besoins de son interlocuteur. Le mode hybride cependant « complique » la relation de confiance car il y a deux écrans entre les personnes, et le mode hybride demande « d’être très concret » durant le temps consacré à l’échange commercial. En distanciel les interlocuteurs souhaitent « aller droit au but » et ne pas se perdre dans des échanges inutiles. D’une manière plus nette qu’en présentiel un acheteur en distanciel ne consacrera pas de temps à un commercial qui n’a pas suffisamment ciblé son argumentaire ou qui n’est pas assez concret face à son besoin ou ses attentes . La relation humaine est plus concentrée sur l’essentiel.
Comme avant la crise sanitaire le vrai défi pour les entreprises est la formation des hommes et des femmes à des outils adaptés à leur époque. Il s’agit pour les entreprises de ne pas se focaliser sur l’investissement et le temps consacré à court terme pour la mise en place opérationnelle de ces outils. Mais de se focaliser sur le retour sur investissement à moyen terme et sur la reconnaissance des équipes à qui on aura donné la possibilité d’évoluer avec des outils leur permettant de concrétiser leurs actions commerciales. Ces outils vont aussi permettre d’intégrer plus rapidement les nouvelles forces vives commerciales d’apporter de nouveaux leviers ou ressources aux commerciaux expérimentes et aussi de faciliter le travail de cohésion du directeur commercial