La conférence Tech4Climate, organisée par la société Constellation, s’est déroulée le 8 juin dernier à l’espace Georges V à Paris et a réuni plus de 500 décideurs sur le thème des opportunités et limites de la technologie pour faire face au défi climatique. Parmi les sujets traités, la place du numérique et de la tech dans les enjeux à venir, figurait en bonne place dans les échanges. Une certitude : le numérique est à la fois une solution mais aussi un problème qui nécessitera de revoir en profondeur les modèles de production et de consommation de ce secteur.
Comme l’a expliqué en ouverture de cette conférence Maxime Blondeau, maître de conférence et chercheur, « la technologie peut être bonne ou mauvaise mais elle n’est jamais neutre » et dans le domaine du numérique c’est particulièrement vrai ».
Un constat repris par les intervenants à la table ronde » Rôle et Limite de la technologie dans la transition » qui était proposée par les organisateurs de cette journée.
Pour Aurore Stéphant, ingénieure géologue minier et représentante de l’association Systext, »l’industrie numérique consomme trop de métaux rares, souffre d’absence d’éco conception et surtout est faiblement recyclable du fait de sa miniaturisation ».
Le secteur du numérique pèse déjà 3 à 4 % des émissions de CO2 et enregistre une croissance annuelle moyenne de 15 % qui est incompatible avec la maîtrise globale des émissions à effet de serre soulignait au cours des échanges Hugues Ferreboeuf, Conseil en direction et représentant du Shift Project. D’après lui le modèle économique des grands acteurs de la tech reposant sur la multiplication des équipements digitaux (smartphone , objets connectés, ordinateurs..) est obsolète à l’aune des ressources disponibles. Et la voie prise par plusieurs acteurs de la tech qui continuent à produire les mêmes produits à partir d’une énergie décarbonée n’est pas une réponse adaptée aux enjeux de développement durable à venir.
« Même cette énergie sera rare et inflationniste et l’augmentation des coûts de production du numérique est inévitable » expliquait Hugues Ferreboeuf . « On peut se poser la question de l’avenir de certains usages » ajoutait-il pendant son intervention.
Le choc climatique accélérateur du dégonflement de la bulle financière digitale ?
Une mauvaise nouvelle pour la valorisation de cette industrie qui a subi une forte correction boursière avec le ralentissement économique et qui sur le moyen terme ne semble pas avoir pris en compte le choc climatique dans son modèle de production et de consommation.
A l’écoute des experts présents à cette table ronde le digital qui a profité largement de la transformation des entreprises et des usages grand public sera plus mesuré et contrôlé dans le futur. Ce fut le point de vue de Véronique Toner, en charge du programme numérique responsable au sein de Numeum, constatant que 60 % des entreprises sont à la recherche de solutions pour mieux mesurer leurs émissions de carbone y compris dans leurs usages du numérique et de l’informatique. Dans ce domaine spécifique de l’informatique comme le soulignait un peu auparavant à cette table ronde Etienne Besancon, président de Constellation, « les DSI doivent désormais se poser la question de l’impact de leurs projets et mesurer ».
Enfin, pour Lionel Fournier, Directeur Santé et Ecologie du groupe Harmonie Mutuelle, la voie qui est en train d’émerger est celle d’un numérique responsable à l’image des nouveaux services que la mutuelle d’assurance développe. « Le tout digital n’est pas une solution à tout et surtout génère parfois plus d’impacts négatifs que positifs. Il est nécessaire de mixer les approches dans une vision plus globale » a-t-il précisé dans son intervention.
En conclusion les modèles d’avenir seront nécessairement beaucoup plus hybrides et sobres que prévu selon l’ensemble des intervenants. Une vision qui pourrait accélérer encore le dégonflement de la bulle digitale si ce secteur et son éco système de capital risque n’intègre pas le choc climatique dans ses modèles. Interrogé par DigitalCMO, Olivier Renaud, Chief Impact Officer de Constellation et maitre d’oeuvre de cette première édition nous confiait qu’il y aura d’autres éditions et d’autres occasions d’élargir les débats.