Directrice Marketing et Digital Europe pour Hewlett Packard Enterprise, Maud Samagalski vient d’être élue présidente du Club des marketeurs in Tech (CMIT). Travaillant dans le secteur des technologies, elle est en première ligne pour observer l’évolution du digital dans les métiers du marketing.
Vincent Biard – Quelle orientation pour votre mandat de présidente du CMIT ?
Maud Samagalski–C’est un club de marketeurs créé par des marketeurs et pour des marketeurs. Je suis passionnée par ce métier et apprécie de pouvoir progresser dans mon savoir. Ayant appartenu au précédent bureau, j’ai souhaité apporter davantage au club et à sa communauté. Lors de mon mandat, et avec le nouveau bureau, nous souhaitons reprendre les fondamentaux du CMIT : formation, progression continue et échange de bonnes pratiques. Par ailleurs, nous avons connu récemment des changements importants dans les métiers du marketing, nous devons nous tenir au fait des dernières tendances. C’est un axe de développement qui sera renforcé, associé à celui du marketing responsable qui adresse des enjeux d’éthiques, de respect des personnes et de l’environnement.
Vincent Biard – Comment a évolué le métier du marketing avec la période de la Covid ?
Maud Samagalski – Notre métier a été très profondément impacté par la crise du Covid. Les nouvelles façons de travailler nécessitent d’être équipé en conséquence. Le marketing est devenu au fil du temps un métier de plus en plus technique, avec des nouveautés qui apparaissent chaque jour et une culture du « data-driven » qui s’y ajoute. Globalement la Covid a accéléré une digitalisation qui était déjà bien engagée. Et dans le même temps, nos attentes en matière de responsabilité environnementale ont évoluées.
Vincent Biard – Qu’entendez-vous par culture du data driven ?
Maud Samagalski – Il y a quelques années la pratique du marketing était répartie entre produit, stratégie et événementiel, je grossis un peu le trait. Aujourd’hui, l’or noir est la donnée. Dans le cadre de mon métier, ce qui est important c’est la façon dont les besoins des clients sont compris et collectés et le fait de revenir vers ceux qui le souhaitent en leur proposant l’action ou le contenu qui les intéresse au bon moment. Le concept de « data-driven » tourne autour de cela, il est important de savoir collecter, comprendre et surtout restituer ce que nous disent les données. Nous cherchons à proposer un parcours digital aux clients sans être intrusifs et à être présents au moment où ils en auront besoin. C’est pourquoi il est nécessaire d’avoir des profils créatifs et également structurés. Savoir analyser les données nécessite d’aller dans les détails, savoir les restituer fait appel à l’esprit de synthèse. Ces compétences semblent antagonistes et dans notre cas elles sont pourtant complémentaires. Je voudrai également ajouter qu’en France et en Europe, nous avons la chance d’avoir un cadre législatif de protection des données personnelles solide et précis.
Vincent Biard – Les clients demandent-ils vraiment que leurs données personnelles soient protégées ?
Maud Samagalski – La plupart de nos interlocuteurs, même en marketing B2B, sont sensibles à l’utilisation de leurs données. Je comprends tout à fait ce point de vue: il n’y a rien de plus désagréable que de recevoir six appels d’affilée de la même société, de plusieurs personnes différentes et sans avoir réellement exprimé un besoin. Nul n’est parfait, cependant au-delà de la législation européenne, c’est aussi une question d’écoute.
Vincent Biard – Avec la digitalisation accrue du métier, avez-vous les outils dont vous avez besoin ?
Maud Samagalski – Je travaille dans un grand groupe international, acteur de la transformation digitale alors oui il me semble disposer des outils dont j’ai besoin que ce soit pour automatiser ou pour piloter les activités du marketing. Je ne suis pas certaine que cela soit encore le cas de toutes les entreprises, mais globalement nous avons tous beaucoup progressé sur cette voie de l’outillage. Autour de moi et au CMIT, les responsables marketing ont des outils qui fonctionnent. La difficulté est de savoir jouer avec la panoplie des outils existants et de ne pas en empiler trop, car au final ils risquent de devenir inutiles faute d’interopérabilité ou de maintenance. C’est un sujet que nous abordons souvent au sein de diverses sessions du CMIT,par souci de responsabilité et d’efficacité.
Vincent Biard – Qu’est-ce-que le marketing BtoB à apprendre du BtoC et inversement ?
Maud Samagalski – Dans le marketing BtoC il y a beaucoup d’innovation, d’effervescence et de temps réel en réagissant par exemple très vite à une question posée sur les réseaux sociaux au sein d’une large communauté. Dans le marketing BtoB, ce sont des professionnels qui parlent à des professionnels dans le cadre de leur métier. Cela donne un côté plus sérieux et policé avec le respect implicite de codes propres aux entreprises. Le BtoB s’inspire de la créativité du BtoC mais avec davantage de prudence dans le déploiement. Il est pourtant vrai que l’agilité grandissante conséquence du digital permet d’aller vite. D’autre part il ne faut pas oublier que les acteurs du B2B sont aussi tous les consommateurs finaux d’autres marques et, à ce titre, ils sont sensibles à la qualité des expériences qu’ils rencontrent dans leurs vies personnelles.
Vincent Biard – Et les réseaux sociaux ?
Maud Samagalski – LinkedIn est l’outil majoritairement utilisé dans le BtoB, la plateforme est en même temps un carnet d’adresse dynamique, un fil d’information et un outil commercial. Twitter s’est ensuite développé avec son côté très spontané, pétillant mais parfois un peu risqué quand les digressions sans fin ou l’agressivité sont de la partie. Ensuite Facebook et Instagram sont davantage utilisés au niveau de l’image de la marque, avec un sens de l’esthétique appuyé pour Instagram en particulier et puis il y a bien aussi Youtube et l’essor de la vidéo et bien d’autres… Les professionnels du marketing B2B partagent des contenus, créent des communautés d’intérêts et aident leurs commerciaux à se former à l’utilisation responsable des réseaux sociaux pour qu’ils en appréhendent les dernières nouveautés.
Vincent Biard – Comment vous organisez-vous pour travailler avec une vingtaine de pays européens? Quels sont vos défis ?
Maud Samagalski – J’apprécie beaucoup ces différentes cultures et points de vue et je trouve aussi que nous avons une communauté d’intérêts et une identité spécifiques à l’Europe. En termes d’organisation, mes équipes sont tournées essentiellement vers le marketing digital et j’anime le plus souvent, avec ou sans Covid, des équipes en mode virtuel. Je fais attention à respecter les horaires de travail, les habitudes et les styles de chaque pays, les moments réunissant des équipes de plusieurs pays sur un même projet sont toujours très appréciés : nous avons tant à apprendre les uns des autres. Ces équipes sont constituées d’experts des médias et fournisseurs digitaux, des données, des réseaux sociaux et des réseaux de partenaires. Tous ces profils sont différents cependant nous devons tous être un peu « couteau suisse » car tout est lié. Très souvent, les gens aiment donner du sens à ce qu’ils font et ils sont aussi curieux d’apprendre de nouvelles choses. Le marketing étant devenu technique, il est important d’avoir des profils spécialisés dans des domaines et aussi des experts qui sont à même de mener des projets plus globaux dans des équipes pluridisciplinaires.
Sites web :
https://www.hpe.com/fr/fr/home.html
https://cmit.fr/