Les études se multiplient sur les zones de concurrence grandissantes entre les directeurs markting – CMO – et les directeurs informatiques – CIO – (voir ici), qui aboutissent logiquement à des confrontations entre les agences de publicité (qui créent des divisions numériques) et les entreprises de services numérique – les ESN – qui se rapprochent des directions marketing (voir ici). Voici l’analyse d’un intégrateur spécialisé dans les outils de CRM, Factory Group.
Comment expliquez-vous que les directions marketing et les directions des systèmes d’information utilisent désormais les mêmes outils numériques ?
Thierry Arène : Cette évolution est d’abord liée aux efforts de l’industrie des logiciels pour « gommer » les déférences entre des outils qui étaient auparavant très différents. En résumé, les outils statistiques utilisés par les DSI exigeaient des compétences informatiques fortes mais le traitement des données imposaient de disposer de solides bases en matière de marketing. A l’inverse, les éditeurs de logiciels ont réussi – souvent avec succès – à permettre à des non-informaticiens d’utiliser des plateformes numériques sans avoir à solliciter systématiquement les équipes informatiques. Les fonctionnalités liées à la génération d’e-mailings sont à ce titre exemplaires : elles sont désormais omniprésentes dans les versions de base.
Faut-il comprendre que les CMO sont en train de prendre le pas sur les CIO et pourront bientôt se passer d’eux ?
Thierry Arène : Cela signifie surtout que les CMO et les CIO doivent travailler davantage ensemble, même si’ils sont entrés en concurrence sur de nombreux points, comme la gestion des données et du parcours des clients. Leur union est indispensable s’ils veulent faire face à la montée en puissance de nouvelles fonctions, telles que les Chief Data Officers (ndlr : CDO) ou les juristes et les responsables de la sécurité.
On parle aujourd’hui de quelques outils de CRM et de marketing automation mais il en existe plusieurs dizaines : ce marché va-t-il se consolider ?
Thierry Arène : Il en existe bien plus que quelques dizaines : nous avons recensé pas moins de 412 outils de CRM sur le seul marché français. Bien sûr, les principaux éditeurs, comme Salesforces, SAP, Oracle, Microsoft, Adobe, IBM ou Sage représentent l’essentiel des ventes, mais de nombreuses fusions et acquisitions sont en cours ou vont avoir lieu. Cela étant dit, cette consolidation va durer plusieurs années : les ERP ont évolué en intégrant des fonctions de CRM et les outils de CRM sont à leur tour en train d’évoluer pour intégrer des fonctions marketing et commerciales plus poussées. Il ne serait pas surprenant que l’acronyme « CRM » soit remplacé sous peu par une nouvelle appellation.
Au-delà de la concurrence entre les CMO et les CIO, on voit poindre des confrontations entre les agences de publicité et les ESN, les ex-SSII : comment un intégrateur comme vous se positionne-t-il par rapport à cette évolution ?
Thierry Arène : Contrairement à ce que l’on imagine, les principales lignes de concurrence ne concernent pas les grandes agences de publicité et les ESN mais ces deux types d’intervenants et la multitude d’agences web que compte la France. Celles-ci proposent généralement des solutions en open source, à priori comprises dans le prix de leurs prestations mais qui enferment les clients. De notre point de vue, il s’agit souvent de solutions qui relèvent du « bricolage » et qui sont d’abord liées au fait que les agences web viennent elles-mêmes de s’équiper de solutions peu coûteuses. Selon nous, la véritable clé du succès et du rapprochement entre les CMO et les CIO est le mode SaaS, qui s’impose chaque jour davantage et qui permet aux experts des métiers de s’affranchir de compétences jusqu’à il y a peu indispensables.
Propos recueillis par Pascal Boiron, Digital CMO