Sur le Printemps des Etudes, DigitalCMO.fr animait une table ronde sur les études et le marketing durable avec les interventions de Luc Balleroy, Directeur Général d’Opinion Way, Jean Denis Garo, Directeur Marketing de Golem.ai, Pierre Suc, dirigeant Plug and Play agency, GE Communication, Eric Ochs, Editeur de DigitalCMO.fr. Trois grands sujets ont été abordés au cours des débats : le développement durable, l’éthique marketing et l’avenir des études avec l’IA. Voici les réponses de Luc Balleroy aux questions posées sur le marketing environnemental et responsable.
DigitalCMO – Quelle est la définition d’un marketing responsable ?
Luc Balleroy : C’est un marketing qui tend à promouvoir des produits ou des services qui intègrent dans leur conception, et dans les usages qu’ils impliquent, les enjeux environnementaux et sociétaux auxquels nous devons faire face tout en gardant l’essence du marketing qui consiste à les rendre désirables.
DigitalCMO – Quelles sont les tendances que vous pouvez partager sur ce sujet ?
Luc Balleroy : La crise sanitaire a été un accélérateur de la prise de conscience des individus sur plusieurs dimensions. Tout d’abord nous avons pris conscience que nous appartenions à un écosystème global et qu’en dépit du progrès nos vies étaient bien précaires et soumises aux aléas de la planète. Ensuite, les études indiquent qu’il pouvait y avoir une certaine forme de plaisir à la frugalité et à un retour aux bases de l’existence hors consommation. 47 % des français que nous avons interrogés dernièrement disent avoir découvert une autre façon plus plaisante de vivre pendant le premier confinement. Mais aussi que les liens humains étaient essentiels à nos conditions de vie. Enfin, on constate qu’il y a eu une prise de conscience que la mondialisation avait des effets néfastes – que ce soit sur la traçabilité des produits, mais aussi notre interdépendance, comme par exemple sur les masques et les médicaments, et a généré une attirance pour les circuits courts et locaux.
DigitalCMO – Sur les sujets de la responsabilité environnementale et durable que disent spécifiquement les études ?
Luc Balleroy : La préoccupation face aux enjeux environnementaux se situe désormais à un niveau comparable à celui de l’emploi, de la sécurité, de l’immigration ou du pouvoir d’achat et a un poids qui a presque doublé depuis 2019. Elle est pour 1/3 des répondants la question la plus importante en France aujourd’hui. Autres chiffres : les climato-sceptiques représentent toujours entre 1/4 et 1/3 de la population tandis que ceux qui estiment que l’on ne parle pas assez des enjeux climatiques représentent un autre tiers.
Enfin, que pour vivre mieux et être plus heureux, sur une vingtaine d’items cités, 85% des jeunes disent qu’il faudrait que les entreprises s’engagent réellement quitte à sanctionner celles qui ne le font pas. C’est la deuxième raison citée parmi 20 proposées. D’ailleurs sur ces sujets nous avons une communauté spécifique qui s’appelle #GREENlab pour échanger avec les Français sur les nouvelles pratiques éco-responsables et solidaires. Nous partageons aussi chaque semaine, le « #GREENinsight » qui permet d’identifier des tendances sur ces sujets.
DigitalCMO – En terme de technique d’études comment aborder correctement ces sujets ?
Luc Balleroy : La première chose c’est de défocaliser, remettre en perspective et avoir une lecture relative. Par exemple, il faut pouvoir faire des différences de score dans les réponses. Par exemple, quand on demande si les enjeux environnementaux sont pour vous des enjeux très importants ou on demande de classer des enjeux par ordre d’importance. Les risques environnementaux constituent une des composantes de notre vie en cela ils sont importants mais c’est très relatif au regard d’autres risques auxquels nous devons faire face.C’est comme dans un trade off sur une chambre d’hôtel. Tout est important : la vue , le silence, le confort du lit, le prix. Il n’empêche que nous faisons des compromis qui nous sont propres que nous avons notre propre échelle d’importance. Et c’est notre métier que d’aller identifier cette hiérarchie pour savoir quel poids les individus lui donne vraiment.
DigitalCMO – Sur un sujet aussi sensible comment obtient-on des réponses sincères ?
Luc Balleroy : L’enjeu consiste à dédouaner l’individu du jugement moral et de sa culpabilité. Quand j’ai commencé à travailler sur ces problématiques, j’ai testé beaucoup de façon de questionner les individus sur ces enjeux. Par exemple, si vous demandez à un individu « je vais vous citer un certain nombre de pratiques et vous me direz si vous le faites régulièrement ou non : éteindre l’eau du robinet quand vous vous lavez les dents, couper l’électricité en sortant d’une pièce, trier vos déchets, acheter des produits bio ». Vous n’aurez pas du tout le même score que si vous demandez « je vais vous citer un certain nombre de raisons de ne pas consommer des produits bio et vous me direz laquelle correspond à la vôtre : je ne crois pas aux allégations des entreprises, l’offre est trop restreinte, les produits sont trop chers, les mentions ne sont pas toujours très claires, aucune de ces raisons car j’achète régulièrement des produits bio ». Le score est divisé par trois. En fait, il y a un paradoxe permanent entre ce qu’il faudrait que je fasse et ce que je fais, entre ce que j’aimerai faire et ce que j’arrive à faire. C’est pour ça qu’il faut rendre le marketing durable DESIRABLE afin de réduire cette tension interne. Les marques ont tout à y gagner.