Cofondatrice de l’association HeHop –Help for Hope qui vient de lancer une application gratuite de capture de violences sexistes et dirigeante du cabinet KyoSei Solutions Lab, Sandy Beky accompagne les entreprises dans leur changement. Pour cette experte du leadership, l’inclusion et le développement durable sont les vecteurs cette transformation devenue indispensable dans un contexte d’interdépendance globale.
Vincent Biard – Comment s’articulent vos deux activités principales ?
Sandy Beky – Avec KyoSei Solutions Lab, j’aide les entreprises à se transformer et à transformer la façon dont se vit le leadership en accompagnant les dirigeants, les équipes, les managers. J’ai créé KyoSei début 2015 après 18 ans passés en entreprise comme salariée de différentes multinationales dans des missions de formation, de conduite du changement puis à l’inclusion et la diversité et au développement durable. Mes clients aujourd’hui sont plutôt des grands groupes du CAC40. L’objectif est d’insérer plus de conscience sociétale dans leurs prises de décisions. Je suis également dirigeante de l’association HeHop –Help for Hope dont la mission est de donner aux victimes de violences en huis clos les moyens d’apporter les preuves des violences subies.
Vincent Biard – Avec quels moyens ?
Sandy Beky – Avec une application qui permet de collecter des preuves –photos, audio, vidéos- comme on peut le faire avec un Smartphone standard mais qui s’appuie sur la technologie de la blockchain pour les rendre inaltérables avec un fichier à la traçabilité infaillible qui le rend juridiquement recevable. C’est un moyen de prouver et de dénoncer les infractions subies. Il y a beaucoup moins de plaintes dans les cas de violences à la personne que dans les atteintes aux biens en raison notamment du défaut de preuves. Cela aide à mettre fin à la culture de l’impunité de l’agresseur.
Vincent Biard – Les thèmes sociétaux, l’éthique et le développement durable semblent être des demandes des citoyens qui sont également consommateurs. Comment réagissent les grandes entreprises que vous accompagnez avec KyoSei Solutions Lab ?
Sandy Beky – Quand j’ai commencé dans le conseil en 2015, on m’appelait davantage sur des missions de stratégie en insérant un peu de RSE et donc de sociétal dans ce travail mais l’essentiel portait quand même sur le recherche de profitabilité. Depuis deux ou trois ans, quand une entreprise me contacte, son discours a changé. On me dit qu’il faut que quelque chose change, que les gens changent et pensent autrement. Accompagner la transformation humaine est plus en adéquation avec ce que je fais.
Vincent Biard – Comment expliquez-vous ce changement ?
Sandy Beky – Il y a des directions de la RSE, des ressources humaines, des ventes et d’autres qui ont pris la mesure de l’impact que peut avoir une entreprise sur l’environnement et en quoi cet environnement est indispensable à la survie de notre système économique. Il y a désormais une conscience de l’interdépendance même dans la sphère du business. Dans l’histoire de l’humanité, il y a eu un moment où l’on se sentait extrêmement dépendant de la nature puis ensuite celle-ci n’était plus qu’au service du développement de la société, et aujourd’hui émerge une nouvelle prise de conscience de l’interdépendance entre économie et environnement.
Vincent Biard –Mais n’est-ce pas le rôle de l’Etat, du législateur, des collectivités à organiser ce changement de paradigme ? Quelles sont les limites des entreprises dans l’action sociétale ?
Sandy Beky –Il n’est plus possible plus de fonctionner en pensant qu’il y a d’un côté des domaines strictement réservés au secteur public et d’autres au secteur privé. C’est la responsabilité de tous et trouver un équilibre entre les rôles de chaque partie prenante est ce qui va éviter les excès dans les attentes ou dans les prérogatives qui peuvent tout autant venir de l’Etat, que de l’entreprise ou de l’individu. Nous sommes dans un moment de l’histoire où tout le monde doit assumer de s’engager pour l’intérêt collectif car c’est le déclin de l’humanité qui est en jeu.
Vincent Biard – Mais les entreprises ont-elles les moyens de répondre à tous ces défis sociétaux dont certains sont des revendications de minorités vraiment réduites?
Sandy Beky – Elles ont un rôle à jouer dans la mesure où elles ne peuvent pas vouloir toucher une diversité de clients et consommateurs la plus large possible et ne privilégier qu’un groupe quand il s’agit des employés qu’elles embauchent ou favorisent dans leur développement et épanouissement professionnels. Pendant des années des minorités n’étaient pas reconnues et n’avaient parfois même pas d’existence dans l’entreprise, aujourd’hui elles font entendre leurs voix et leurs revendications qui occultées fort longtemps, peuvent alors paraitre excessives, futiles ou aberrantes. L’hégémonie d’un système standardisé où la diversité avait assez peu de place, s’ouvre désormais à une évolution des normes que certains peuvent considérer comme débridée mais qui reste néanmoins légitime et nécessaire.
Vincent Biard – Comment Les entreprises que vous conseillez y font face ?
Sandy Beky – Les entreprises ont compris que pour se pérenniser leur activité, elles doivent répondre à une amplitude beaucoup plus large de besoins et d’attentes de la part de leurs clients et consommateurs. Pour y arriver, il faut donc qu’à l’intérieur même de l’entreprise il y ait des gens avec une conscience du monde et des autres beaucoup plus élargie. C’est une démarche de remise en question des schémas mentaux et de la façon de penser le monde qui nécessite un accompagnement. Le leadership est un domaine qui a peu évolué sur ces soixante dernières années et qui est devenu dans beaucoup de contextes actuels inadapté à la société ; heureusement il y a de nombreux dirigeants d’entreprises conscients de la nécessité de la transformation humaine de leurs équipes pour les amener à penser et agir différemment.
Sites web :
https://www.kyoseilab.com/fr
https://hehop.org/