Sébastien Drouin, de double formation technique et business (HEC Montréal) et disposant d’une expérience internationale (Canada, Australie et France) dans la banque, l’industrie (DSI de l’Imprimerie Nationale) ou la santé, est maintenant DSI du Groupe Jouve. Dans cette interview, il partage sa vision sur l’évolution de sa fonction.
Digital CMO : Comment analysez-vous l’évolution actuelle des systèmes d’information, notamment à la faveur des grandes transformations digitales actuelles des entreprises ?
Sébastien Drouin, Groupe Jouve : Si les systèmes d’information des entreprises avaient très peu évolué entre les années 1980 et 2000, à l’exception de l’apparition du Minitel en France, ils ont ensuite beaucoup évolué avec l’apparition du PC grand public, de l’Internet puis des smartphones.
Pourtant, l’évolution des systèmes d’information n’est plus seulement technologique. Elle est aujourd’hui fortement liée à l’évolution et la mutation de notre société. La DSI devient donc une direction transverse, qui a toute légitimité pour accompagner la transformation que vit la majorité des industries et des entreprises, au tournant de cette révolution autour de la data.
Les valeurs au sein de l’entreprise sont le reflet de la vision de son dirigeant. Dans la cadre de la transformation, voire de la mutation digitale, que connaissent les entreprises de nos jours, il est encore plus important que la DSI inculque aussi des valeurs et communique dans ce sens afin de pouvoir atteindre les objectifs de son schéma directeur.
Les salariés souhaitent toujours plus de services, accessibles en temps réel et ce que quel que soit leur lieu de travail. La DSI doit donc résoudre deux enjeux antinomiques pour l’entreprise ; favoriser le déploiement de ces services en temps réel et dans un contexte de forte mobilité d’une part mais, d’autre part, garantir la sécurité du collaborateur, des clients ou tout simplement de la donnée. Si, dans le passé, la DSI garantissait surtout une disponibilité d’infrastructures ainsi que la sécurité des données ; elle doit aujourd’hui gérer la data, devenue l’or noir du numérique. L’objectif d’un DSI est donc de privilégier le Cloud, les technologies mobiles, la dynamique “Devops” et orienter son approche de la cybersécurité sur l’authentification.
Digital CMO : Qu’est-ce qu’on lui demande alors dans ce contexte ?
Sébastien Drouin : Il doit tout d’abord écouter, comme le font les autres responsables opérationnels, et bien prendre en compte les besoins. C’est ce que j’explique à mes collaborateurs : écouter, poser des questions, s’intéresser aux métiers pour comprendre leurs besoins et, surtout, ne pas donner le sentiment que notre réponse sera seulement technique mais plutôt une solution partagée, qui pourra intégrer un volet technologique, mais aussi peut-être même une revue du processus. La DSI ne doit plus être cantonnée à l’infrastructure ou au poste de travail, car elle a l’opportunité d’accompagner tous les métiers dans leur transformation digitale. Ensuite, les DSI doivent assumer les multiples technologies émergentes qui peuvent être plus connues par le métier que la DSI comme nous l’avons vu avec les outils tels Dropbox, Slack, etc. Un autre exemple est l’apparition du cloud au sein de nos systèmes d’information, où l’on remarque une réelle prise de conscience de la notion de responsabilité partagée avec le métier. Pour assumer cette évolution, je pense qu’il faut discuter avec tous métiers concernés tels que le juridique ou le métier demandeur… Il faut identifier les forces, les faiblesses et les risques pour ne pas avoir de zone d’ombre, donc de frustration. La DSI doit aussi prendre plus souvent le “lead” sur ces sujets en tant qu’animateur et expert, mais aussi proposer des solutions et/ou réponses aux métiers.
Dans ce nouveau contexte, la DSI doit se positionner en tant que partenaire des directions métiers et être force de proposition. En discutant avec les direction métiers, on peut opter pour la solution la plus performance pour atteindre l’objectif, même si ce n’est pas la plus innovante. Pourquoi opter pour une “formule 1” si nôtre “DS 7” répond à tous nos objectifs ? Pour optimiser la communication entre la DSI et les directions métiers afin d’éviter les effets de “silos”, il est nécessaire d’améliorer la formation des collaborateurs de la DSI, notamment via un parcours professionnel dans les métiers du style « vie ma vie ».
Digital CMO : Est-ce une fonction en danger finalement ?
Sébastien Drouin : Franchement, je ne pense pas. Au début de la transformation digitale, certaines entreprises ont voulu confier leur informatique plutôt à des CDO (ndlr : Chief Digital Offcier). Chez la plupart des grands noms du CAC40, ce type de poste n‘existe plus. Le cloud, le SaaS (ndlr : Software as a Service) et bientôt l’intelligence Artificielle sont d’excellentes opportunités pour les Directions métiers et la DSI : cela devrait leur permettre de travailler de concert afin d’accompagner la transformation digitale au sein de l’entreprise.
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