Alors que selon une étude récente seulement 11 % des Français déclarent utiliser le canal digital pour leur épargne longue, l’enjeu pour les principaux acteurs de ce marché semble bien de renouveler leurs services et leurs offres afin de satisfaire de nouvelles attentes.
Digital CMO donne la parole aux principaux acteurs de l’épargne digitale sur ces sujets dans un dossier spécial. Premier entretien avec Sébastien d’Ornano, président de Yomoni.
Digital CMO – En matière d’épargne, quel est votre modèle de plateforme ?
Sébastien d’Ornano – La plateforme que nous avons souhaité mettre en place est une plateforme de Wealthtech. Nous sommes uniquement concentrés sur de l’investissement de long terme, on ne fait pas de produits bancaires, on ne fait pas de la banque du quotidien, on ne fait pas de livrets mais on se concentre sur toutes les enveloppes fiscales qui permettent d’investir sur des durées de plus de 3 ans. Notre modèle est double, il propose des enveloppes, qui sont en France l’assurance-vie, le PEA, le Compte-Titre et le PER, où on a digitalisé l’ensemble des processus qui sont liés à la souscription et aux différents actes de gestion liés à ces enveloppes, et au-dessus de ça, on va faire du conseil à deux niveaux.Au premier niveau, on va proposer du conseil de profiling, de recommandations, sur, à la fois les niveaux de risques et les enveloppes fiscales et de l’autre côté on va faire une recommandation sur la partie gestion où l’on va faire des mandats de gestion, on est société de gestion, et c’est comme ça qu’on va apporter : de la valeur ajoutée au-dessus du processus simplement digital. Donc nous sommes spécialisés sur l’investissement long-terme, non complémentaires à des offres bancaires, on s’adapte directement au client.
Digital CMO – Quelles sont les avantages comparatifs selon vous de l’épargne digitale par rapport aux modèles traditionnels ?
Sébastien d’Ornano – Tout simplement que les intérêts du client sont alignés avec les intérêts du conseiller ce qui n’est pas le cas dans l’épargne classique. Dans l’épargne classique vous n’avez pas de conseil réellement, vous avez la banque, généralement ce sont des vendeurs qui sont intéressés à vendre des produits maisons et qui ne sont pas forcément en accord avec l’intérêt du client que ce soit par rapport à son horizon d’investissement ou la qualité des produits qui sont vendus, c’est rarement en architecture ouverte. Les problématiques par rapport à ça, c’est que vous avez rarement les meilleures allocations qui vous sont proposées et souvent des frais qui sont élevés voire très élevés. Les avantages de l’épargne digitale, selon notre modèle avec le robo-advisory de Yomoni, ce sont les frais récurrents qui sont divisés par deux voire trois par rapports aux réseaux traditionnels, ce qui est excessivement important car les clients viennent chercher de la performance sur le long terme et on sait très bien que les frais tuent la performance. Les produits sont généralement très déceptifs dans les réseaux bancaires. Le dernier avantage est que vous avez affaire à des spécialistes, la banque en France est universaliste, beaucoup de conseillers bancaires parlent de beaucoup de sujets et connaissent peu de choses en matière d’investissements alors que nous avons des conseillers et des gérants qui sont dédiés au client qui ne connaissent pas la banque du quotidien mais qui sont ultra-spécialistes des enveloppes fiscales et de la gestion qu’on propose. On a vraiment affaire à des gens qui sont disponibles avec un temps de réponse qui ne dépasse pas les 20 secondes lorsque vous nous appelez et en plus vous avez affaire à des gens qui sont spécialisés sur leur secteur. Un meilleur conseil, des frais moins importants donc une performance plus forte et des intérêts alignés entre le client et le conseiller ce qui n’est pas le cas dans un réseau bancaire.
Digital CMO – Quels sont vos clients et quels types d’épargnants recherchez-vous spécifiquement ? Avez-vous connu l’arrivée d’une nouvelle classe d’investisseurs en 2020 ?
Sébastien d’Ornano – On a deux types de clients. Nous avons essentiellement des CSP+, soit des trentenaires, des jeunes cadres plutôt dans le domaine de la tech, des médecins et des personnes qui travaillent dans le conseil. Ils ont 30 ans, des revenus assez importants et font leurs premiers pas dans l’épargne de long terme avec nous pour une dimension pédagogique, explicative, de conseil et qui n’est pas du conseil complexe patrimoniale mais ils ont besoin de pédagogie pour bien comprendre où ils mettent les pieds, comment s’organiser, quelle discipline avoir avec son argent et son épargne pour investir sur le long terme. Ensuite nous avons des clients de la cinquantaine, qui eux sont déjà multi-équipés chez un conseiller en gestion de patrimoine ou banquier privé, qui ont déjà des assurances-vie, qui viennent ouvrir une assurance-vie chez nous pour notre spécialité ETF donc fonds indiciels et qui vont mettre en concurrence les assurances-vie qu’ils peuvent avoir pour voir si cette nouvelle classe de solution tient toutes ses promesses.
Digital CMO – La partie pédagogie financière vous parait-elle être un élément incontournable ?
Sébastien d’Ornano – Elle est un élément incontournable. On ne peut pas dire qu’on est transparent si on ne fait pas de pédagogie car effectivement le niveau de pédagogie financière des Français n’est pas très élevé. Il est très élevé en fiscalité mais les fondamentaux des marchés financiers, la prise de risque etc. Il la connait moins bien et donc il y a un vrai travail de pédagogie à faire que ça soit en autonomie ou en direct.
Digital CMO – Comment apportez-vous du conseil à vos clients ?
Sébastien d’Ornano – On l’apporte de plusieurs manières, à travers du contenu froid c’est-à-dire avec un ensemble de contenu pédagogique à savoir fiche pédagogique, FAQ, explication, infographie qui leur permet de creuser de manière autonome à ce sujet. On donne des Webinaires qui leurs sont dédiés où généralement nous avons plus de 1000 personnes qui viennent se connecter pour comprendre et bien appréhender les différents sujets qui sont abordés qui sont des sujets plus spécifiques et précis. Après, on va avoir du chat, du mail, des calls, des vidéo-call, où l’on répondra à des questions plus précises, plus spécifiques par rapport à sa situation.
Digital CMO – Quels sont vos produits flagships aujourd’hui, l’épargne retraite constitue-t-elle un accélérateur ? Vers quel type de stratégie gamme produits allez-vous vous positionner ?
Sébastien d’Ornano – Nous avons l’assurance-vie qui reste le produit flagship et qui reste le produit préféré des Français. Il a été suffisamment chargé en avantages fiscaux pour qu’il soit bien présent et très appréciés. Par contre, le PER est un accélérateur certain qui permet de constituer une épargne différencier sur la retraite avec une carotte fiscale qui est attractive avec des conditions de sorties améliorées qui permet d’aller compléter une assurance-vie, donc oui c’est un bon accélérateur et un bon complément.
Digital CMO – Avez-vous connu une accélération de votre développement en 2020 ? La crise sanitaire a-t-elle eu un impact sur votre croissance ?
Sébastien d’Ornano – On a eu une accélération très forte en 2020 qui se confirme en 2021. Elle est liée à deux sujets, la digitalisation des comportements liés au confinement où les gens étaient plus attentifs aux propositions de valeurs qui étaient faites en ligne comme celle de Yomoni, les réseaux étant fermés ils ont bien mesuré la faible accessibilité des conseillers à ce moment-là. La relation bancaire-investissement sur le long terme ne se fait pas en permanence, on ne va pas harceler le client toutes les semaines pour lui donner des informations, elles sont disponibles sur le site. Par contre, le client va avoir besoin de nous dans des moments qui sont un peu compliqués, soit parce qu’il a des rentrées ou des sorties d’argent qu’il devra traiter, soit parce que les marchés sont un peu agités et là il a besoin d’être rassuré et qu’on lui explique quelles sont les mises en œuvre qu’on a pu appliquer sur son épargne, pourquoi on le fait, quelles sont nos conditions. Là-dessus nous avons marqué beaucoup de points sur le fait d’avoir été très présents auprès de nos clients, de leur avoir beaucoup expliqué et d’éviter les biais psychologiques qui sont généralement le grand danger de l’investisseur particulier. L’avantage de faire appel à des professionnels dans la gestion c’est justement qu’on a une vision beaucoup plus neutre. Nous avons de la gestion très diversifiée qui a démontré toute sa robustesse pendant la crise et qui fait qu’on finit avec des performances extrêmement valorisantes en fin d’année.
Digital CMO – Quels types de technologies vous paraissent intéressantes d’embarquer dans un futur proche (outils de dialogue, simulation d’allocation et probabilité d’atteinte des résultats, Gatekeeping, amélioration sur parcours client et reporting…) ?
Sébastien d’Ornano – L’essentiel de la croissance sur l’expérience client est la personnalisation. Grâce à la confiance des clients on a accès à beaucoup de données les concernant, leur patrimoine, leur revenu etc. Cela nous permet d’avoir un dialogue et une pédagogie des propositions qui sont différentes selon la situation et l’épargne du client. Ce qui est essentiel est d’avoir une utilisation qui correspond à votre personnalité et vos besoins et donc il faut partir de la data et après construire des parcours qui sont spécifiques, plus ou moins riches, plus ou moins complexes, et qui permettent de mettre l’humain au bon endroit. L’un des grands enjeux de notre plateforme c’est que oui l’algorithmie est importante, par contre, être uniquement digital ne marchera pas dans l’épargne d’investissement, il faut de l’humain au bon endroit au bon moment, on doit être présent quand il a besoin de nous et qu’on fasse preuve de proactivité parce que les data nous disent qu’à ce moment-là il y a peut-être quelque chose à faire et à proposer à nos clients.
Digital CMO – Pensez-vous que l’épargne digitale constitue la voie unique au développement d’une épargne de long terme ?
Sébastien d’Ornano – Ce qui est sûr c’est que l’épargne de réseau ne constitue pas la bonne démarche. Il faut la fuir car elle est l’une des pires solutions qui existent sur la place et tous les benchmarcks le prouvent. Ils profitent de la captivité des clients dans le réseau pour leur proposer des produits qui sont généralement les moins-disant en termes de qualité et sont souvent les plus chargés en termes de frais. En revanche, ça peut-être une épargne digitale, un conseiller en gestion de patrimoine indépendant sur lesquelles vous allez avoir un niveau de conseil et une proposition d’architecture ouverte qui est beaucoup plus forte, et qui vont vous proposer des produits qui sont les meilleurs du marché et pas ceux d’un type d’acteurs ou d’un réseau bancaire. Donc oui l’épargne digitale coche plein de cases et a plein d’avantages et selon les caractères de chacun, plutôt la traiter en physique mais autonome et indépendant. L’avantage est d’avoir des propositions indépendantes. S’il y a conseil, ça doit être indépendant, sinon il y aura forcément des conflits d’intérêts.
Digital CMO – Quels sont vos objectifs de développement à court et moyen terme ?
Sébastien d’Ornano – Les objectifs sont de croître et d’acquérir de plus en plus de clients sur le cœur de notre business qui est donc la gestion sous mandat sur les 4 enveloppes citées, on reste sur le marché français pour l’instant. Et la logique serait de développer notre cœur métier et de répondre à des sollicitations de réseaux bancaires qui ont compris que leurs intérêts sont d’aller embarquer des offres comme les nôtres pour leur proposition de valeur pour justement se transformer et proposer une offre d’épargne de long terme de qualité qui correspond au meilleur standard du marché. C’est donc d’abord un très fort BtoC et de manière opportuniste des réflexions sur le BtoBtoC.
Digital CMO – Quels sont les grands enjeux commerciaux et marketing que vous percevez en matière d’épargne digitale ?
Sébastien d’Ornano – Aujourd’hui vous avez une ré-appétence pour les marchés financiers, en particulier chez les jeunes générations. En France ils commencent à comprendre que les sujets des retraites sont mal traités les concernant, qu’ils peuvent avoir un impact sur l’écologie et le sociétale grâce à leur épargne, et ensuite il y a une dimension plus dangereuse qui est la gamification des marchés financiers qu’on voit à travers les plateformes de streaming. Les analyses psychologiques et le biais psychologique qui sont mis en œuvre, comme dans les paris en ligne, fait qu’un certain nombre de personne commencent à jouer et à spéculer sur les marchés financiers comme si ils spéculaient sur d’autres plateformes de jeux, donc pour l’instant les marchés sont plutôt bien orientés donc il n’y a pas de casse importante, mais il faut profiter de ce moment-là justement pour que les clients et les nouveaux clients fassent leur rééducation et les aider à sortir d’un pur spéculatif qui, sur le long terme, est plutôt destructeur de valeur et les amener vers des choses qui vont leur permettre de construire leur futur patrimoine. Pour moi le grand enjeu, c’est de profiter de ces moments un peu particuliers pour embarquer ces nouveaux intérêts vers des choses qui soient plus pérennes, plus solides, plus diversifiées et qui leurs permettent à termes de vraiment construire une épargne et pas seulement d’espérer faire fortune en quelques semaines ou quelques mois, ce qui est souvent assez déceptifs sur le long terme.
Entretiens publiés et à venir dans notre dossier sur les acteurs de l’épargne digitale :
- Sébastien d’Ornano, Yomoni.
- Stellane Cohen, CEO d’Altaprofits.
- Guillaume Piard, Président fondateur de Nalo.
- Antoine Delon, Président de Linxea.
- Karl Toussaint du Wast, Associé Fondateur de Netinvestissement.
- Marine Moresco, Responsable Marketing chez Mon Petit Placement
- Christèle Biganzoli, CEO et Fondatrice de Ritchee.
- Jean Olivier Ousset, Associé Fondateur, Epargnissimo
- Jonathan Wasserman, Président de Corum Epargne
- Boursorama (à confirmer)
- Fortuneo (à confirmer)
Etude Digital CMO : Les acteurs de l’épargne digitale face aux évolutions des attentes digitales
- La technologie ne remplace pas l’humain.
- La fin des modèles traditionnels en épargne digitale
- Vers une offre et des canaux accessibles à tous.
- Quelles stratégies dans le contexte des nouveaux enjeux du marché du digital.
Etude – Format PDF de 25 pages – Gratuit – Parution Septembre 2021